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Regarder de près l’avenir de l’élevage 

Dix ans déjà… Pas de nostalgie, plutôt de la fierté pour cette édition anniversaire de Tech Élevage. Lors de l’inauguration, les invités (élus des collectivités et de la chambre d’agriculture, préfet) ont souligné la force que représente un tel rendez-vous : « Tech Élevage est un outil pour renforcer la place de nos productions animales au cœur des territoires », a dit plusieurs fois Jordy Bouancheau, nouveau président du salon succédant à Hervé Pillaud, père fondateur de l’événement. « Il y a dix ans, on regardait ça en se demandant si c’était vraiment une bonne idée ! », a avoué un des officiels en se remémorant les prémices du Salon. « Hervé, il a souvent raison trop tôt », a souligné Lydie Bernard, conseillère régionale en charge de l’agriculture et « amie proche » de l’ancien président de Tech Élevage, « mais au bout de quelques temps, on réalise qu’il n’a pas tout à fait tort ! ». Tech Élevage était donc un concept saugrenu avant de devenir un rendez-vous incontournable.  

« En dix ans, on a réussi à réunir trois choses : l’élevage, la jeunesse (la formation, l’installation, la transmission) et cette année l’eau, thème crucial ! Ces trois éléments (élevage, jeunesse, eau) garantissent l’avenir de l’agriculture », a glissé pour sa part Hervé Pillaud, défendant un Tech toujours ambitieux. 

Conférence sur l’avenir

Cette édition 2023 s’est ouverte par une conférence sur l’avenir de l’élevage. Marine Raffray, agroéconomiste à la chambre d’agriculture France a présenté quelques données issues d’une étude consulaire sur ce sujet, publiée en septembre dernier(1). Les chiffres rappellent que « l’élevage paie un lourd tribut dans la baisse de l’activité agricole française : les deux tiers des exploitations qui disparaissent ont une production bovine, avec une accélération depuis deux ans (-2% par an en lait ; -3% par an en viande) ». On retrouve ce repli, en bovin lait, dans toute l’Europe alors que la courbe est inversée en Inde, Chine, Canada, Brésil. 

En porc, là aussi la chute du nombre de têtes s’accentue : -6 % depuis 2021 (l’Espagne reste une exception en Europe). Chez les petits ruminants, « la collecte reste dynamique, même s’il y a des disparités selon les bassins de production ». En aviculture, si l’abattage atteint des chiffres abyssaux (-40 % du nombre de canards depuis 2017), la production d’œufs est plutôt à la hausse (hors période Covid).

Du côté de la consommation de produits carnés, l’intervenante a redit que les Français se détournent de ce type d’aliment depuis 40 ans (-15 kg par habitant et par an), avec toutefois un ralentissement de cette évolution négative depuis dix ans car « la consommation de poulet, elle, progresse. Elle a presque doublé depuis les années 1990 ». On réalise aussi la grande dépendance extérieure de certaines filières dans certains circuits de commercialisation : 52 % de la viande bovine consommée en RHD sont d’origine étrangère. Le chiffre fait grincer les dents…

Banalisation 

« Quels sont les facteurs de stigmatisation de l’élevage en France ? »,  questionne en conclusion l’étude de la chambre d’agriculture France. « À travers cette interrogation, il s’agit de se demander si cette vision pose un problème dans le renouvellement des générations », indique Marion Raffray en ajoutant que « l’image de l’agriculture reste largement positive auprès des Français ». La relation entre agriculture et société a beaucoup changé avec l’apparition d’un certain nombre de désaccords. « À l’origine de ce phénomène, il y a sans doute la banalisation de la production agricole, car nous avons des taux de réapprovisionnement extrêmement performants », explique l’agroéconomiste. L’éloignement des consommateurs, plus urbains, du milieu agricole, est un autre argument, ainsi que l’abstraction de l’alimentation, de plus en plus transformée (déconnexion du lien à l’animal). À cela s’ajoute « l’apparition de controverses autour de l’élevage : environnementales, de bien-être animal, de santé publique et aujourd’hui sur les modèles d’élevage (notre relation à l’animal) ». Néanmoins, tient à contrebalancer l’intervenante, « nous avons besoin de protéines dans le monde, il y a encore des déficits nutritionnels dans certains pays ». Chacun y verra son avenir d’éleveur vendéen ou pas. À la fin des propos des élus locaux invités à s’exprimer sur la place des productions animales dans notre région et l’alimentation locale, Brice Guyau, président de la FDSEA 85 a rappelé, à l’attention du préfet présent, que « nous manquons de stratégie nationale sur ces questions ! On demande de la cohérence ! Peut-on ouvrir nos frontières à des produits moins exigeants que ceux français tout en parlant de souveraineté alimentaire ? Comment attirer des jeunes en agriculture dans ces conditions ? ». Une autre édition de Tech Élevage sera sans doute nécessaire pour y répondre durablement. 

Catherine Baty

Ils ont dit 

Gérard Gavory, préfet de Vendée : « En Vendée, vous êtes prêts à relever le défi du renouveau de l’élevage, encore plus qu’ailleurs (…). Concernant la thématique Eau abordée cette année à Tech Élevage, vous savez qu’ici nous avons un problème de quantité et de qualité. Nous devons avancer en abordant cette problématique de façon objective. Il faudra aussi une transparence totale pour répondre à ceux qui sont contre les solutions avancées par la profession »

Éric Coutand, président de la chambre d’agriculture de Vendée : « Il nous reste des choses à accomplir pour relancer l’élevage et notamment auprès des élus qui font des choix contradictoires ! Attention, le frigo France se vide depuis dix ans ! » 

Laurent Favreau, conseiller départemental en charge de l’agriculture : « Pourquoi ne pas créer un syndicat (une structure) dédiée à l’alimentation dans notre département ? Comme nous avons fondé Vendée Eau ou le Sydev pour l’énergie, il me semble nécessaire de réfléchir à un accompagnement sur la question de l’approvisionnement local dans nos collectivités, comment aider à acheter du local, du bio, de la qualité ? »

Luc Bouard, maire de La Roche-sur-Yon, président de l’agglomération yonnaise : « Pour concilier les attentes des citoyens et l’activité agricole, il faut selon moi faut continuer d’organiser des moments de vulgarisation (des animations grand public) car les urbains méconnaissent vos activités (…) N’oublions pas que c’est aussi cet entourage agricole qui fait l’intérêt de La Roche-sur-Yon, ville rurbaine ! »

Lydie Bernard, conseillère régionale en charge de l’agriculture : « Nous devons encore progresser dans l’approvisionnement local dans nos lycées ligériens pour répondre aux objectifs d’ÉGAlim. La plate-forme Approlocale, de mise en relation entre producteurs et la restauration collective, est sous-utilisée ». 

Alain Leboeuf, président du conseil départemental de la Vendée : « Nous avons une grande chance en Vendée, celle d’avoir des gens qui savent se retrousser les manches pour faire vivre le dynamisme vendéen. Le passage de relai entre Hervé Pillaud et Jordy Bouancheau illustre cette force ».